Citation du jour et explications - 16 mai 2015

Publié le par La vache rose

Citation du jour - 16 mai 2015

Citation du jour - 16 mai 2015

Rendons à César...

Un "brin" d'explication concernant ce proverbe, " dit français".

Pour commencer, il s'agit de ce que l'on appelle un aphorisme = courte phrase exprimant un principe ou un concept de pensée.

Le principe : mieux vaut opter pour ce que l'on peut obtenir tout de suite plutôt que son " hypothétique double " plus tard.

Aujourd'hui, on prononce plutôt : " un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ".

L'origine :

  • L'expression a été popularisée par Jean de La Fontaine (1621 - 1695) au XVIIe siècle dans sa fable Le petit poisson et le pêcheur :

Un Tiens vaut, ce dit-on, mieux que deux Tu l'auras ;
​L'un est sûr, l'autre ne l'est pas.

Jean de La Fontaine

Ceci dit, rappelons que Jean de La Fontaine a écrit bon nombre de ses fables sur la base d'écrits de...

  • Gilles Corrozet (1510-1568) : écrivain et imprimeur français. Qui lui même, a en 1542, traduit en français ou " mise en rithme françoise ", comme ils diraient à l'époque, les fables du très ancien écrivain grec Ésope (620 av. JC - 564 av. JC) telles que :

- Du cerf qui se voit en la fontaine,

- Du renard et du bouc,

- Du renard et du singe,

- Regarder la fin de son oeuvre,

- Sagesse requise au prince,

- Des fourmis et de la cigale, dont voici un extrait :

Une grand'troupe de fourmis
Ensemble en un creux s'étaient mis,
Et avaient durant tout l'été
Amassé grande quantité
De blé, qu'ils avaient pu trouver
Pour se nourrir durant l'hiver ;
Lequel venu, une cigale
De qui la cure principale
Est de chanter l'été durant,
Laquelle était faim endurant,...

Gilles Corrozet

Pour en revenir à notre citation du jour, M. Corrozet se serait, quant à lui, inspiré d'un proverbe espagnol " Mieux vaut un prends que deux je te le donnerai " aujourd'hui plutôt dit : " Mieux vaut un oiseau dans la main que cent qui volent ".

L'expression espagnole

" Más vale pájaro en mano que ciento volando ".

Cette expression espagnole proviendrait du proverbe latin :

" Est avis in dextra, melior quam quattuor extra " qui signifie :

- Il vaut mieux un oiseau dans la main droite que quatre hors d'elle.

Cette expression s'employait en rapport avec l'art de la fauconnerie (une des plus anciennes formes de chasse).

Ils en attribueraient également l'origine à Ésope avec divers variantes :

Versions avec rimes :

  • " Capta avis est pluris quam mille in gramine ruris " - Un pájaro capturado es mejor que mil en la yerba del campo.

- Un oiseau capturé vaut mieux que mil dans l'herbe des champs. Proverbe médieval.

Ou selon REINARD (Le roman de Renart* : ensemble de récits animaliers français dont les auteurs sont principalement anonymes** et dont les branches les plus anciennes sont attribuées à un certain Pierre de Saint-Cloud vers 1174) :

  • " Una avis in laqueo plus valet octo vagis " - Un pájaro en la liga vale más que ocho sueltos.

- Un oiseau dans la ligue (entendre dans ton camps, je présume) vaut mieux que huit libres.

Versions sans rime :

  • " Melior est avis in manu vel nido, quam decem in aere " - Es mejor pájaro en mano o en nido que diez en el aire.

​- Mieux vaut un oiseau dans la main ou dans le nid plutôt que dix dans les airs.

  • " Plus valet in manibus passer, quam sub dubio grus " - Más vale gorrión en las manos que grulla en duda.

- ​Mieux vaut un moineau dans la main qu'une grue en doute.

  • " Plus certa comprensa manu valet una volucris / Innumeris, alte quas levis aura vehit " - Vale más un ave cogida con mano segura / que innumerables, a las que el viento ligero lleva por las alturas.

​- Mieux vaut un oiseau tenu d'une main sûre (assurément tenu en main) / que d'innombrables (oiseaux) que le vent léger emporte dans les hauteurs.

Et, dans un tout autre domaine, mais non des moins intéressants :

Cette citation apparaît dans "Refranes que dizen las viejas tras el fuego", compilation d'histoires attribuée à Marqués de Santillana, et aussi dans un classique de la mysoginie médieval : "El Corbacho o Reprobación del amor mundano" écrit en 1438 par l'Archiprêtre Talavera, tel que :

  • " Más vale páxaro en mano que buytre bolando ".

- Mieux vaut un oiseau dans la main qu'un vautour volant.

Dans le sens où... " mejor lo poco (seguro) que lo mucho (inseguro) "...

- Mieux vaut un peu certain qu'un beaucoup incertain.

Cela s'adressait aux dames qui feraient mieux de se contenter d'un mari dans la main (certain) plutôt qu'un vautour (amant) volant et incertain.

Mais là encore les interprétations divergent et certaines nous ramènent à la fauconnerie, tel Gonzalo Correas en 1625 dans " Vocabulario de refranes y frases proverbiales " qui rejette cette vision romanesque de la citation.

*Noter qu'au Moyen Age Renard s'écrit avec un t à la fin.

**Quelques uns des auteurs nommés du Roman de Renart sont : Richard de Lison, Pierre de Saint Cloud et le Prêtre de la Croix en Brie.

L'expression anglaise

Elle parle aussi d'oiseaux, disant qu'il vaut mieux en avoir un en main que deux dans la forêt ou sur un arbre et tel que l'expression espagnole, elle se référerait à la fauconnerie dès 1670.

Mais là aussi, les avis divergent et certains lui trouve des origines bien plus anciennes...

  • Une des premières versions serait issue de la Bible et traduite (du latin) en langue anglaise en 1382 comme suit :

" A living dog is better than a dead lion " - Ecclesiastes IX - Wycliffe´s version.

- Cela signifie qu'il vaut mieux un chien vivant, qu'un lion mort.

  • On trouve aussi d'autres expressions en référence aux oiseaux telles que :

" A byrd in hand - is worth ten flye at large " - Hugh Thodes dans " The Boke of Nurture or schoole of Good Maners " aux environs de 1530.

Cela veut dire : mieux vaut un oiseau en main que 10 qui volent au loin.

  • Ou encore : " Better one byrde in hande than ten in the wood " - John Heywood dans " A dialogue conteinyng the nomber in effect of all the prouerbes in the Englishe tongue " en 1546, et qui signifie : mieux vaut un oiseau en main que dix dans les bois.

En migrant aux Etats Unis, les anglais ont emmené cette expression avec eux où l'expression " Bird in hand " est connue là-bas depuis environ 1734.

En conclusion...

Quelque soit l'origine ou l’interprétation faite par les uns et les autres...

Et encore, je me suis contentée de quelques origines françaises, espagnoles et anglaises... la même expression existe bien sûr dans toutes les langues, mais là, il lui faudrait un blog : comme toutes les expressions d'ailleurs !

Pour celle-ci, j'ai commencé par un petit "brin" d'explication qui s'est vite transformé en... branche... pour ne pas dire tronc !

Je ne pensais vraiment pas qu'il y en aurait tant à découvrir et raconter sur cette expression somme toute banale...

Et dire qu'il va falloir traduire maintenant pour les hispanophones et anglophones...

Sincèrement, je ne sais pas si je continuerai les explications de la citation du jour, à moins que cela intéresse quelqu'un...

Pour conclure ce brin d'explication...

Le sens commun (bon sens ?) nous dit que...

" Il ne faut pas lâcher la proie pour l'ombre ", ni " tirer d'une pierre deux coups ", ni même " vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué " et encore moins " mettre la charrue avant les bœufs " (Meuuuh)...

Car lorsque l'on s'aventure, on prend le risque de tout perdre...

Et lorsque c'est le cas, certaines opportunités ne se représenteraient pas...

Si le faucon meurt en chassant le vautour, le chasseur perd le faucon, le vautour... et la possibilité de chasser...

La morale reste qu'il vaut mieux un " peu certain " qu'un " beaucoup incertain "...

Mais, on dit aussi (à part que "on" est un con !) que " qui ne risque rien n'a rien ", ou " qu'il faut vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué " (notamment en marketing), ou même que : " qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il le croit "...

Faut-il tenter le diable ?

A méditer...

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